Interview de Daniel Vaniche sur Radio Immo
novembre 2020 – Actualités
Les podcasts à retrouver ici
Que pensez-vous des débats sur le logement d’après et sur la ville de demain ?
Si cette pandémie peut servir d’électrochoc pour revenir à des logements plus généreux, des espaces extérieurs ou l’on peut s’assoir, des pièces complémentaires comme un atelier ou un bureau, on aura gagné un petit quelque chose.
Si elle peut aider à enfin prendre conscience que nous devons penser autrement que la seule productivité, et qu’il faut protéger les écosystèmes, ce sera encore mieux.
Mais là où les propos me dépassent, c’est quand certains voient là un signe de ce qu’il faut arrêter de construire des immeubles de logement, se gargarisent de leur confinement dans une belle maison de campagne ou prônent le pavillon pour tous.
Mais la population a augmenté, et tout le monde n’a pas où se loger, encore moins dans les grands logements que chacun appelle de ses vœux sur les réseaux sociaux : La France est passée en France de 45 à 67 millions en 60 ans. Heureusement que l’on n’a pas construit 5 millions de pavillons et toutes les routes pour les relier !
Bien sûr, les tours trop élancées ont des bilans carbones déraisonnables. Bien sûr, les villes ultra denses créent des ilots de chaleur et sont devenues socialement difficilement vivables. Et surtout, la hauteur ramène inconsciemment aux cités jardins qui n’ont pas toujours marché, et à la ville radieuse, qui est restée une utopie.
Il y a moyen de penser une certaine densité, en pensant plus à la rue et aux piétons. Dès lors que les bâtiments intègrent des activités ouvertes sur l’extérieur, que les rues deviennent agréables, vivantes, avec des places et des espaces verts, alors un skyline qui monte plus haut sur certains bâtiments ne pose aucun problème.
Au-delà du logement. Quelles sont vos idées sur les équipements et le bureau ?
Si l’on veut libérer des espaces libres tout en faisant des logements, il faut réduire nos routes, nos bureaux vides et nos équipements pléthoriques.
Il faut commencer par arrêter les bureaux en blanc et en barres de 80m de long, en réhabilitant les millions de m2 obsolètes vers des bureaux de nouvelles générations. Peut-être même en faire muter certains en hôtels ou logements, pour enfin arriver à trouver de la mixité qui fait si peur aux élus, et arrêter les quartiers d’affaires sans vie les deux tiers du temps.
Il faut aussi se demander quelles salles, piscines, patinoires ou médiathèques peuvent être mutualisés, pour consommer moins et réduire l’empreinte au sol de nos villes.
Sur tous ces programmes, il faut comme sur les logements travailler les rez-de-chaussée, les socles, pour que la rue soit enfin pensée pour les piétons, en lieu de vie, de culture et de commerce.
Pensez-vous qu’il faille élargir le débat, et mettre en place un réel « plan prospectif », une réflexion sur l’aménagement du territoire ?
Le débat doit avoir lieu sur la densité. Ou faut-il construire ou densifier ? Parce qu’aujourd’hui, presque tous les maires disent : « pas chez moi ».
Paris est l’une des villes les plus denses du monde, et souhaite ne pas aller plus loin, ce que l’on peut comprendre. Mais à l’échelle du Grand Paris, il y a tellement à faire pour réduire les routes et parkings, réduire les friches et zones d’activité. Si l’on ajoute a cela de faire muter les quartiers obsolètes et densifier les parcelles déjà occupées, on libèrera énormément de foncier pour construire du logement, penser les continuités piétonnes entre villes et planter les parcs qui nous manquent tant.
A l’échelle de la France, faut-il construire à la périphérie des grandes villes ? Faut-il développer les villes de taille moyenne ? Ou repeupler les petites villes et villages ?
Est-ce à l’Etat de donner les grandes lignes de ses ambitions pour la France dans la réflexion sur les villes de demain versus la densité et volonté des français d’avoir leur carré de verdure ?
Toutes ces questions de répartition de la densité entre villes, de répartition bureau/logement, de routes, de continuités piétonnes, d’équipements et de parcs ne sont pas traitées avec cohérence dans l’urbanisme actuel. Pour des raisons d’indépendance de chaque commune, et de loi de l’offre et la demande. Les intercommunalités régulent heureusement un peu les choses depuis quelques années.
Les prévisions de construction autour des gares du Grand Paris sont inquiétantes : j’espère que l’on ne construira pas tous les équipements et tous les bureaux prévus à proximité des gares !
Je ne sais pas si c’est à l’état, aux villes ou aux intercommunalités d’orienter et d’inciter plus. La politique semble rendre les choses difficiles. Et l’économie de marché ne fait pas bon ménage avec les plans quinquennaux.
Je ne sais pas non plus si chacun peut avoir un carré de verdure, mais je suis sûr qu’il y a moyen de tous se loger mieux, dans des villes agréables, végétalisées et dynamiques, où la culture, le loisir, les relations sociales et le travail ont une place équilibrée. Et je suis aussi sûr que ce rêve est même possible en réindustrialisant la France, et augmentant nos terres agricoles et nos forêts !